Rompre un CDD de manière anticipée pour faute grave

Passé la période d’essai, le CDD peut être rompu avant l’échéance de son terme en cas de faute grave commise par le salarié. Ce mode de rupture prive le salarié de l’indemnité de fin de contrat.

• Champ d’application •

La rupture anticipée du CDD pour faute grave ne peut être notifiée :

  • pendant la durée du congé maternité ou d’adoption (même si ce congé n’est pas pris) et les congés payés pris immédiatement après le congé de maternité (C. trav. art. L1225-4) ;
  • si l’employeur n’a pas respecté ses obligations en matière d’élections professionnelles lorsque la consultation du comité social et économique est obligatoire (rupture anticipée du contrat d’un salarié élu ou assimilé), sauf s’il justifie de l’impossibilité d’organiser lesdites élections avant de saisir l’inspecteur du travail (Circ. DGT n° 07/2012 du 30 juillet 2012).

La rupture anticipée du CDD pour faute grave peut être notifiée :

  • si le contrat de travail du salarié est suspendu en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle (C. trav. art. L1226-9) ;
  • pendant la période d’état de grossesse médicalement constatée ;
  • pendant les 10 semaines suivant le retour de la mère dans l’entreprise à l’issue d’un congé maternité ou d’adoption et, le cas échéant, des congés payés qui y ont été accolés ;
  • pendant les 10 semaines suivant la naissance d’un enfant pour le père biologique (C. trav. art. L1225-4 et L1225-4-1).

• Motifs •

Les faits doivent être imputables au salarié

L’employeur doit être en mesure de prouver que les faits ont été commis par le salarié (Cass. soc. 13.10.2015 n° 14-14358). En cas de faute collective, il doit être à même d’identifier les responsabilités de chacun. En cas de doute, il n’est pas possible de fonder la rupture sur une mesure de précaution.

Les faits doivent avoir été commis dans le cadre de l’exécution du contrat de travail

En principe, les faits commis en dehors du temps de travail ne peuvent pas justifier une rupture du contrat pour faute (Cass. Soc. 18.10.2017 n° 16-15030) sauf s’ils caractérisent un manquement à une obligation découlant du contrat de travail ou se rattachent à la vie professionnelle du salarié (Cass. Soc. 04.12.2007 n°06-42795).

Les faits doivent caractériser une faute grave

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise (Cass. soc. 24.11.2010 n° 09-40928 FP-P+B+R). A titre d’exemples, peuvent constituer une faute grave, en fonction des circonstances, le détournement des biens de l’entreprise à des fins personnelles (Cass. soc. 08-02-2005 n°02-44275), des actes caractérisant un harcèlement sexuel (Cass. soc. 28.01.2014 n°12-20497), la violation grave d’une règle de sécurité (Cass. soc. 01.07.2008 n° 06-46421), l’envoi d’un email antisémite avec la messagerie professionnelle (Cass. soc. 02.06.2004 n°03-45269), des injures et menaces à l’égard du responsable hiérarchique (Cass. soc. 02.03.2011 n°10-11957), la conduite d’un véhicule de service en état d’ébriété à une vitesse très largement excessive (Cass. soc. 03.12.2014 n°13-23995), des violences sur la personne de l’employeur (Cass. soc. 23.05.1989 n°86-45039), des malversations (Cass. soc. 10.11.2010 n°09-42077), des injures à connotation raciste interdisant toute relation ultérieure de travail (Cass. soc. 12.10.2004 n°02-41563). Le contexte des faits est à prendre en considération. Il peut constituer une circonstance aggravante (antécédents disciplinaires, importance du préjudice causé à l’entreprise, importance des responsabilités confiées au salarié, faits expressément sanctionnés par le règlement intérieur, etc.) ou au contraire atténuante (état physique ou psychologique du salarié, considérations familiales, ancienneté, faits habituellement tolérés par l’employeur, provocation de l’employeur).

ATTENTION : Le salarié ne doit pas être sanctionné pour avoir…

  • dénoncé des faits de harcèlement sexuel ou moral,
  • exercé son droit de retrait pour danger grave et imminent,
  • exercé normalement son droit de grève,
  • relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions,
  • signalé une alerte dans le respect de la loi n° 2016-1691 du 09.12.2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique,
  • signalé de bonne foi aux autorités de marchés l’un ou plusieurs des manquements mentionnés à l’article L. 634-1 du code monétaire et financier.

La procédure doit être engagée rapidement

La mise en œuvre de la procédure doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur ait eu connaissance des faits allégués dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire (Cass. soc. 24.11.2010 n° 09-40928). Si les faits reprochés au salarié nécessitent sa mise à l’écart immédiate de l’entreprise, du service ou du poste qu’il occupe, l’employeur peut prononcer une mise à pied ou une mutation à titre conservatoire (C. trav. art. L1332-3, Cass. soc. 20.12.2006 n°04-46051, Cass. soc. 08-10-2014 n°13-13673).

Les faits ne doivent pas être prescrits

Les faits ne doivent pas avoir été commis plus de 2 mois à compter du jour où l’employeur a eu une connaissance exacte de la nature et de l’ampleur des faits fautifs (C. trav. art. L1332-4). Si la faute est constituée par une accumulation de faits ou une persistance des faits dans le temps, le délai de 2 mois doit être décompté à partir de la date du dernier manquement constaté (Cass. soc. 21.06.2000 n° 98-42784). Si l’employeur invoque des sanctions anciennes à l’appui d’une nouvelle sanction, il ne doit pas remonter au-delà de 3 ans (C. trav. art. L1332-5). Le délai de prescription est interrompu par la convocation du salarié à un entretien préalable (Cass. soc. 05.02.1997 n°94-44538), par le prononcé d’une éventuelle mise à pied conservatoire (Cass. soc. 13.01.1993 n°90-45046) ou par l’engagement de poursuites pénales (C. trav. art. L1332-4). En revanche, il continue à courir en cas de maladie du salarié (Cass. soc. 13.07.1993 n°91-42964), d’accident du travail (Cass. soc. 17.01.1996 n°92-42031), de tentative de conciliation engagée par l’employeur ou de signature d’une rupture conventionnelle (Cass. soc. 03.03.2015 n°13-23348) ou d’une mesure conservatoire autre qu’une mise à pied (Cass. soc. 07.01.1992 n°87-44014).

Les faits ne doivent pas avoir déjà été sanctionnés

Un même fait ne peut pas être sanctionné deux fois (Cass. Soc. 27.06.2001 n°99-42216). L’employeur ne peut donc pas valablement fonder la rupture anticipée du CDD sur des faits qui ont déjà fait l’objet d’un blâme ou d’un avertissement ou qui ont justifié une mise à pied ou une rétrogradation. Des faits distincts ne peuvent pas non plus faire l’objet de deux sanctions successives dès lors que l’employeur avait connaissance de l’ensemble de ces faits lors du prononcé de la première sanction (Cass. Soc. 25.09.2013 n° 12-12976).

ATTENTION

En cas de mise à pied à titre conservatoire, il est crucial de préciser le caractère conservatoire de la mise à pied pour que celle-ci ne soit pas assimilée à une sanction qui priverait la rupture de tout fondement.

• Procédure •

Schématiquement, la rupture anticipée du CDD pour faute grave se déroule selon les étapes suivantes :

* hors salarié protégé

• Délais •

En dehors du temps nécessaire à la constitution du dossier, le délai de procédure varie entre 10 jours au minimum et 2 ou 3 semaines en fonction des dates choisies pour l’entretien préalable et ses reports éventuels.

• Coûts •

Coûts Application
Respect du préavis ou paiement d’une indemnité compensatrice
non
Indemnité de fin de contrat
non
Indemnité compensatrice de congés payés
oui
Maintien des garanties complémentaires pendant 12 mois *
oui
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