L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective et durable du salarié à remplir les tâches pour lesquelles il a été embauché. Elle n’est en aucun cas volontaire et ne traduit pas un comportement fautif. Si tel est le cas, il faut impérativement engager une procédure de licenciement pour faute. Le licenciement pour insuffisance professionnelle suppose le respect d’un préavis, le paiement de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement et de l’indemnité compensatrice de congés payés. Il ouvre également droit au salarié au bénéfice des allocations chômage.
• Champ d’application •
Le licenciement pour insuffisance professionnelle ne peut être prononcé :
- si le contrat de travail du salarié est suspendu en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle (C. trav. art. L1226-9) ;
- pendant la période d’état de grossesse médicalement constatée (à partir du moment où l’employeur en a connaissance), la durée du congé maternité ou d’adoption (même si ce congé n’est pas pris) et les congés payés pris immédiatement après le congé de maternité (C. trav. art. L1225-4) ;
- les 10 semaines suivant le retour de la mère dans l’entreprise à l’issue d’un congé maternité ou d’adoption ou, le cas échéant, des congés payés qui y ont été accolés, et les 10 semaines suivant la naissance d’un enfant pour le père biologique (C. trav. art. L1225-4 et L1225-4-1) ;
- si l’employeur n’a pas respecté ses obligations en matière d’élections professionnelles lorsque la consultation du comité social et économique est obligatoire (licenciement d’un salarié élu ou assimilé), sauf s’il justifie de l’impossibilité d’organiser lesdites élections avant de saisir l’inspecteur du travail (Circ. DGT n° 07/2012 du 30 juillet 2021).
• Motifs •
L’insuffisance professionnelle doit être fondée sur des éléments vérifiables
L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective et durable du salarié à remplir les tâches pour lesquelles il a été embauché. L’employeur doit justifier sa décision par des éléments précis et objectifs, tels que des erreurs répétées (Cass soc. 04.12.2013 n°12-23063), des choix malencontreux ayant entraîné un préjudice pour l’entreprise (Cass. soc. 27.01.2016 n°14-16984), le temps excessif consacré par le salarié à l’accomplissement d’une tâche bien définie (Cass. soc. 14.11.1989 n°86-43880) ou la dégradation croissante du comportement et le manque d’implication du salarié (Cass soc. 18.01.2012 n°10-25939). Les carences doivent revêtir une certaine importance et être persistantes (Cass. soc. 22.10.2008 n° 07-43194). Pour établir la réalité des insuffisances du salarié, l’employeur peut s’appuyer sur les comptes-rendus d’entretien annuels d’évaluation, le résultat de tests ad hoc (Cass. soc. 22.07.1986 n°83-42865) ou de périodes d’évaluation bien définies, de témoignages de clients (Cass. soc. 03.05.2012 n°12-00408) ou des comparaisons avec d’autres salariés (Cass. soc. 03.01.1990 n° 87-43521).
L’insuffisance professionnelle doit être involontaire
L’incapacité du salarié doit nécessairement résulter d’un comportement involontaire et non d’une mauvaise volonté délibérée. L’employeur ne doit pas se placer sur le terrain disciplinaire. En particulier, l’insuffisance professionnelle ne peut pas constituer une faute grave et priver le salarié du versement de son préavis et de son indemnité de licenciement (Cass. soc. 10.12.2014 n°13-22198).
L’insuffisance professionnelle doit être imputable au salarié
L’incapacité du salarié ne peut justifier un licenciement que si l’employeur a respecté son obligation d’adaptation des salariés à leur poste de travail (Cass. soc. 21.10.1998 n°96-44109). L’insuffisance professionnelle ne peut pas non plus être reconnue lorsque le salarié ne dispose pas du temps ou des moyens nécessaires à l’exercice de ses fonctions (Cass. soc. 4.10.1990 n°88-43946) ou lorsque l’employeur se prévaut de la non-réalisation d’objectifs qui n’ont pas été préalablement portés à la connaissance du salarié (Cass. soc. 02.04.2014 n° 12-29381).
L’employeur ne doit pas lui-même se contredire
L’employeur ne peut pas valablement licencier un salarié doté d’une ancienneté importante alors qu’il connaissait ses insuffisances depuis longtemps sans que la situation n’ait évoluée. Le licenciement pour insuffisance professionnelle a pu ainsi être jugé sans cause réelle et sérieuse lorsque les carences du salarié étaient parfaitement connues de l’employeur au moment de l’embauche (Cass. soc. 14.06.2007 n°06-41248) ou lorsque l’employeur avait, pour les faits en cause, témoigné sa confiance au salarié en le reconduisant dans ses fonctions (Cass. soc. 10.12.2008 n°07-42310). Il en va de même si l’insuffisance est démentie par des appréciations élogieuses (Cass. soc. 07.01.1988 n° 84-45913), par la dernière évaluation professionnelle (Cass. soc. 22.03.2011 n°09-68693) ou les bonus versés au salarié (CA Versailles 25.03.2014 n°12/00939).
ATTENTION
L’insuffisance de résultats ne peut constituer en soi une cause de licenciement. Elle ne peut résulter que d’une insuffisance professionnelle ou d’une carence fautive (Cass. soc. 03.11.2004 n° 02-46077). Dans le premier cas, il y a lieu de suivre la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle, dans le second cas, il faut procéder à un licenciement pour faute.
• Procédure •
Schématiquement, le licenciement pour insuffisance professionnelle se déroule selon les étapes suivantes :
* hors salarié protégé
• Coûts •
Coûts | Application |
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Respect du préavis ou paiement d’une indemnité compensatrice | oui |
Indemnité légale ou conventionnelle de licenciement | oui |
Indemnité compensatrice de congés payés | oui |
Rémunération de la clause de non-concurrence (si elle existe) | oui |
Maintien des garanties complémentaires pendant 12 mois* | oui |
* pendant une durée égale à la période d’indemnisation du chômage, dans la limite de la durée du dernier contrat de travail. Les dispositions du contrat de travail et/ou de la convention collective peuvent induire des coûts supplémentaires (clause parachute, indemnité de non-concurrence, etc.).
• Risques •
Licenciement irrégulier C. trav. art. L1235-2 | Licenciement sans cause réelle et sérieuse C. trav. art. L1235-3 | Licenciement nul C. trav. art. L1235-3-1 | |
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Cas d’application | Non-respect de la procédure | Défaut de motivation, motif imprécis, non suffisamment sérieux ou dont la réalité n’est pas établie | Violation d’une liberté fondamentale, à des faits de harcèlement moral ou sexuel, à un licenciement discriminatoire ou consécutif à une action en justice, en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et en cas de dénonciation de crimes et délits, ou à l’exercice d’un mandat par un salarié protégé, ainsi qu’aux protections applicables en matière de maternité et de paternité et d’accident du travail et de maladie professionnelle. |
Possibilité pour le salarié de demander sa réintégration | NON | NON | OUI |
Dommages-intérêts | 1 mois de salaire maximum | De 1 à 20 mois de salaire maximum en fonction de l’ancienneté du salarié Pour le détail du barème : C. trav. art. L1235-3 | A défaut de réintégration : au moins égal au salaire des 6 derniers mois Pas de plafonnement |