Établir une délégation de pouvoirs par écrit

La délégation de pouvoirs a pour objet de transférer une partie de la responsabilité pénale du chef d’entreprise (le délégant) à un salarié (le délégataire), qui sera chargé d’engager l’entreprise et de faire respecter la réglementation du travail dans le secteur placé sous sa responsabilité.

• Définition •

Un dirigeant (le délégant) peut déléguer une partie de ses pouvoirs à un salarié (le délégataire) dans un domaine de compétence déterminé. Cette délégation permet au dirigeant d’être exonéré de sa responsabilité pénale en cas d’infractions commises dans le domaine de la compétence déléguée, cette responsabilité étant transférée sur la tête du salarié.

Elle se distingue de la délégation de signature qui permet au délégataire de signer au nom du délégant pour une ou plusieurs opérations déterminées et qui n’emporte aucun transfert de responsabilité.

• Conditions •

Le délégant doit être une personne qui détient les pouvoirs d’engager l’entreprise, soit un représentant légal (le président dans une SAS, un gérant dans une SARL etc.) ou une personne à qui a été délégué un pouvoir avec la possibilité de sous-déléguer une partie de ces pouvoirs.

La délégation ne doit pas viser l’intégralité des pouvoirs du délégant en lui retirant de fait son rôle de dirigeant (Cass. com. 11.06.1965 n°63-10240).

La délégation doit être consentie à un salarié de l’entreprise et non pas à un tiers tel qu’un cabinet d’experts-comptables (Cass. crim. 24.09.1998 n°97-81.803 D). La jurisprudence a déjà admis la validité de délégation consentie à un salarié appartenant à une autre société du groupe (Cass. crim. 26.05.1994 n°93-83213, Cass. crim. 07.02.1995 n°94-81832).

Le délégataire doit disposer de la compétence (Cass. crim. 25.09.2007 n°06-85945), de l’autorité (Cass. crim. 06.05.1996 n° 95-83340, Cass. crim. 08.03.1988 n° 87-83883) et des moyens nécessaires pour assumer l’exercice des pouvoirs délégués. Il peut s’agir de moyens techniques (Cass. crim. 11.12.1996 n°95-85341), budgétaires (Cass. crim. 141998, n°97-85.260) ou juridiques (Cass. crim., 19.08.1997 n°96-83944) requis par l’exécution de sa mission.

La délégation doit être exclusive. Le dirigeant ne peut déléguer ses pouvoirs à plusieurs personnes pour l’exécution d’un même travail, ce qui serait de nature à restreindre l’autorité et à entraver les initiatives de chacun des prétendus délégataires (Cass. soc. 12.04.2005 n°04-83101).

La délégation doit avoir été acceptée par le salarié à qui elle a été consentie (Cass. crim. 14.01.1988 n°85-93.192).

• Forme •

La délégation de pouvoirs n’a pas nécessairement à être écrite, le délégant pouvant prouver son existence par tous moyens (Cass. crim. 13.01.2009 n°08-85058, Cass. crim. 06.12.2011 n°10-83581). Il est toutefois recommandé d’établir un écrit qui permettra de déterminer l’existence et l’étendue de la délégation ainsi que son acceptation par le salarié.

• Durée •

La délégation de pouvoirs peut être donnée pour une durée déterminée ou indéterminée (Cass. com. 17.01.2012 n°10-24811). La jurisprudence n’impose aucun délai minimal. La délégation de pouvoirs doit néanmoins s’inscrire dans la durée pour permettre au délégataire de disposer dans les faits de l’autorité et des moyens nécessaires pour assumer ses responsabilités. Elle doit être stable et ne pas faire l’objet d’interruptions fréquentes.

La délégation est révocable à tout moment.

En cas de cessation des fonctions du délégant avant la fin de la délégation, la jurisprudence opère une distinction selon que la cessation intervient pour un motif touchant à la personne du délégant (décès, révocation, démission) ou à ses fonctions (fusion, scission, réorganisation de la gouvernance etc.). Dans le premier cas, la jurisprudence considère que la délégation subsiste. Le nouveau dirigeant n’est pas tenu de renouveler la ou les délégations consenties par son prédécesseur mais peut y mettre fin (Cass. com. 15.03.2005 n°03-13032). Dans le second cas, la cessation des fonctions du délégant peut emporter automatiquement la caducité des délégations de pouvoirs antérieures (Cass. crim. 20.07.2011 n° 1087348 F-D). En cas de doute, il est préférable de renouveler les délégations de pouvoirs concernées.

• Effets •

La délégation de pouvoirs opère un transfert de responsabilité pénale.

Il n’y a pas de cumul des responsabilités pénales de l’employeur et du délégataire pour les mêmes faits, sauf si le premier a participé personnellement à la commission de l’infraction reprochée par ailleurs au second (Cass. crim. 14.11.2006 n°05-83367).

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