Faire face à la prise d’acte d’un salarié

En cas de manquements graves de l’employeur, le salarié peut prendre acte de la rupture de son contrat et saisir le conseil de prud’hommes pour qu’il statue sur les effets de cette rupture. A la différence de la demande de résiliation judiciaire, le contrat est immédiatement rompu. Si le juge considère que la prise d’acte est justifiée, la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d’un licenciement nul, selon le statut de l’intéressé ou les manquements constatés. Dans le cas contraire, elle produit les effets d’une démission.

• Champ d’application •

Le salarié peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail en cas d’inexécution par l’employeur de ses obligations contractuelles. Il doit s’agir de manquements suffisamment graves tels que :

  • le non-paiement d’une partie des heures supplémentaires (Cass. soc. 20.01.2010 n°08.43476),
  • le défaut de communication par l’employeur des éléments permettant au salarié de vérifier le calcul de sa rémunération (Cass. soc. 18.06.2008 n°07-41910),
  • la modification unilatérale du contrat de travail par l’employeur (Cass. soc. 09.05.2007 n°05-42301),
  • le défaut de fourniture du travail (Cass. soc. 03.11.2010 n°09-65254),
  • les manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité (Cass. soc. 29.06.2015 n°03-44412).

La rupture peut également être invoquée par le salarié sous contrat à durée déterminée, mais uniquement en cas de faute grave au sens de l’article L1243-1 du Code du travail.

En revanche, l’employeur ne peut pas prendre acte de la rupture du contrat en cas de faute du salarié. Il doit procéder à son licenciement.

• Procédure •

La prise d’acte de la rupture du contrat de travail n’est soumise à aucun formalisme. Elle n’a pas à être précédée d’une mise en demeure de l’employeur (Cass. soc. 03.04.2019 n°19-70001). Elle peut valablement être présentée par le conseil du salarié au nom de celui-ci, à condition qu’elle soit adressée directement à l’employeur (Cass. soc. 16.05.2012 n° 10-15238). Toutefois, la seule saisine du conseil de prud’homme ne peut être assimilée à une prise d’acte (Cass. soc. 16.03.2016 n°15-12493).

La prise d’acte entraîne la rupture immédiate du contrat de travail. Le salarié ne peut pas se rétracter unilatéralement (Cass. soc. 23.06.2015 n°14-13714).

L’employeur doit remettre au salarié un certificat de travail, une attestation France Travail et son dernier bulletin de paie (Cass. soc. 04.06.2008 n° 06-45757). L’employeur doit verser l’indemnité compensatrice de congés payés mais pas l’indemnité compensatrice de préavis ni l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement. Si le contrat contient une clause de non-concurrence, l’employeur doit, s’il le souhaite, la lever immédiatement.

Le salarié doit saisir le conseil des prud’hommes qui statue au fond (théoriquement) dans un délai d’un mois suivant sa saisine (C. trav. art. L1451-1).

• Conséquences •

Si les manquements de l’employeur ne sont pas établis ou considérés comme insuffisamment graves, le juge déboute le salarié. La rupture produit les effets d’une démission. Le salarié peut être condamné à indemniser l’employeur pour non-respect du préavis (Cass. soc. 04.02.2009 n°07-44142).

Dans le cas contraire, la rupture est prononcée aux torts de l’employeur.

Si le contrat est un CDI

La rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou un licenciement nul, selon la nature des griefs et le statut du salarié.

Si le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, le salarié est en droit de recevoir :

  • l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement,
  • une indemnité compensatrice de préavis,
  • une indemnité compensatrice de congés payés,
  • des dommages et intérêts dans les limites fixées par le barème de l’article L1235-3 du Code du travail.

Si le licenciement est nul, le salarié est en droit de recevoir :

  • l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement,
  • une indemnité compensatrice de préavis,
  • une indemnité compensatrice de congés payés,
  • des dommages et intérêts dont le montant est fixé par les juges en fonction du préjudice subi avec un minimum égal au salaire des 6 derniers mois.

Dans les deux cas, si le salarié a moins de 2 ans d’ancienneté et l’entreprise emploie moins de 11 salariés, l’employeur s’expose au remboursement de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois d’indemnités de chômage (C. trav. art. 1235-4 et Cass. soc. 22.06.2016 n°14-27.072).

Si le contrat est un CDD

Le salarié est en droit de recevoir :

  • l’indemnité de fin de contrat lorsque le contrat a été conclu dans l’une des hypothèses y ouvrant droit,
  • une indemnité compensatrice de congés payés,
  • des dommages et intérêts dont le montant est fixé par les juges en fonction du préjudice subi.
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