L’employeur dispose d’un pouvoir disciplinaire lui permettant de sanctionner les fautes commises par les salariés. La faute peut être caractérisée par un acte positif ou une abstention volontaire (insubordination, absence injustifiée, non-respect des règles de sécurité etc.).
• Définition de la faute •
Les faits doivent être imputables au salarié
L’employeur doit être en mesure de prouver que les faits ont été commis par le salarié (Cass. soc. 13.10.2015 n° 14-14358). En cas de faute collective, il doit être à même d’identifier les responsabilités de chacun. En cas de doute, il n’est pas possible de fonder un licenciement sur une mesure de précaution.
Les faits doivent avoir été commis dans le cadre de l’exécution du contrat de travail
En principe, les faits commis en dehors du temps de travail ne peuvent pas justifier un licenciement pour faute (Cass. Soc. 18.10.2017 n° 16-15030) sauf s’ils caractérisent un manquement à une obligation découlant du contrat de travail ou se rattachent à la vie professionnelle du salarié (Cass. Soc. 04.12.2007 n°06-42795).
Les faits doivent être suffisamment sérieux
Peuvent ainsi constituer une faute, en fonction des circonstances :
- une absence injustifiée
- un abandon de poste
- le refus d’accomplir le travail
- les retards répétés
- le départ prématuré du travail
- le non-respect répété des méthodes de travail
- le refus de suivre les directives de la hiérarchie
- de graves erreurs professionnelles
- l’abus d’autorité
- la violation grave d’une obligation de confidentialité
- le dénigrement public de l’entreprise
- les propos injurieux
- les accusations mensongères, etc.
Le contexte des faits est à prendre en considération. Il peut constituer une circonstance aggravante (antécédents disciplinaires sur les 3 dernières années, importance du préjudice causé à l’entreprise, importance des responsabilités confiées au salarié, faits expressément sanctionnés par le règlement intérieur, etc.) ou au contraire atténuante (état physique ou psychologique du salarié, considérations familiales, ancienneté, faits habituellement tolérés par l’employeur, provocation de l’employeur).
Les faits ne doivent pas être prescrits
Les faits ne doivent pas avoir été commis plus de 2 mois à compter du jour où l’employeur a eu une connaissance exacte de la nature et de l’ampleur des faits fautifs (C. trav. art. L1332-4).
Si la faute est constituée par une accumulation de faits ou une persistance des faits dans le temps, le délai de 2 mois doit être décompté à partir de la date du dernier manquement constaté (Cass. soc. 21.06.2000 n° 98-42784). Si l’employeur invoque des sanctions anciennes à l’appui d’une nouvelle sanction, il ne doit pas remonter au-delà de 3 ans (C. trav. art. L1332-5).
Le délai de prescription est interrompu par la convocation du salarié à un entretien préalable (Cass. soc. 05.02.1997 n°94-44538), par le prononcé d’une éventuelle mise à pied conservatoire (Cass. soc. 13.01.1993 n°90-45046) ou par l’engagement de poursuites pénales (C. trav. art. L1332-4).
En revanche, il continue à courir en cas de maladie du salarié (Cass. Soc. 13.07.1993 n°91-42964), d’accident du travail (Cass. soc. 17.01.1996 n°92-42031), de tentative de conciliation engagée par l’employeur ou de signature d’une rupture conventionnelle (Cass. soc. 03.03.2015 n°13-23348) ou d’une mesure conservatoire autre qu’une mise à pied (Cass. soc. 07.01.1992 n°87-44014).
Les faits ne doivent pas avoir déjà été sanctionnés
Un même fait ne peut pas être sanctionné deux fois (Cass. Soc. 27.06.2001 n°99-42216). L’employeur ne peut donc pas valablement fonder un licenciement sur des faits qui ont déjà fait l’objet d’un blâme ou d’un avertissement ou qui ont justifié une mise à pied ou une rétrogradation. Des faits distincts ne peuvent pas non plus faire l’objet de deux sanctions successives dès lors que l’employeur avait connaissance de l’ensemble de ces faits lors du prononcé de la première sanction (Cass. Soc. 25.09.2013 n° 12-12976).
ATTENTION
Le salarié ne doit pas être sanctionné pour avoir
- dénoncé des faits de harcèlement sexuel ou moral,
- exercé son droit de retrait pour danger grave et imminent,
- exercé normalement son droit de grève,
- relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions,
- signalé une alerte dans le respect de la loi n° 2016-1691 du 09.12.2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique,
- signalé de bonne foi aux autorités de marchés l’un ou plusieurs des manquements mentionnés à l’article L. 634-1 du code monétaire et financier.
• Procédure •
Lorsque l’employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l’objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié (C. trav. art. L1332-2).
Si les faits reprochés au salarié nécessitent sa mise à l’écart immédiate de l’entreprise, du service ou du poste qu’il occupe, l’employeur peut prononcer une mise à pied ou une mutation à titre conservatoire (C. trav. art. L1332-3, Cass. soc. 20.12.2006 n°04-46051, Cass. soc. 08-10-2014 n°13-13673).
Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise (C. trav. art. L1332-2).
La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien. Elle est motivée et notifiée à l’intéressé par écrit (C. trav. art. L1332-2).
Des dispositions conventionnelles peuvent prévoir des mesures plus favorables pour le salarié, notamment en imposant un entretien préalable pour toute sanction.
• Salariés protégés •
L’employeur ne peut pas prononcer une mise à pied à titre conservatoire à l’encontre d’un salarié protégé sauf dans le cadre d’une procédure de licenciement pour faute grave (C. trav. art. L2421-1 et L2421-3). Il semble toutefois possible de prendre une autre mesure conservatoire comme une mutation provisoire (CE 06.05.1996 n°147250). Pour le reste, la même procédure s’applique pour les salariés protégés et les salariés non protégés. En particulier, il n’est pas nécessaire de demander l’autorisation de l’inspecteur du travail pour prononcer une sanction ni l’avis préalable du comité sociale et économique pour les salariés élus ou assimilés.
• Choix de la sanction •
L’employeur est, en principe, libre de choisir la sanction qu’il estime appropriée.
Elle peut être :
- un blâme,
- une mise à pied disciplinaire (avec suspension du versement du salaire),
- une mutation,
- une rétrogradation.
En cas de faute collective, l’employeur peut infliger des sanctions différentes en fonction de critères objectifs, tel que le degré de participation des salariés à la faute, leur ancienneté, leurs antécédents disciplinaires etc. (Cass. Soc. 24.09.2013 n°12.11532).
Dans tous les cas, si l’employeur est tenu de mettre en place un règlement intérieur, la sanction doit être prévue dans ce règlement, et ce sous peine de nullité (Cass. soc. 23.03.2017 n°15-23090). En particulier, s’agissant de la mise à pied disciplinaire, la durée maximale de la suspension du contrat doit être précisée (Cass. Soc. 12.12.2013 n°12-22642).
L’employeur ne peut pas infliger une amende ou une sanction pécuniaire (C. trav. art. L1331-2).
ATTENTION
Lorsque l’employeur notifie au salarié une sanction emportant modification du contrat de travail, telle qu’une rétrogradation ou possiblement une mutation, il doit informer l’intéressé de sa faculté d’accepter ou refuser cette modification (Cass. soc. 17.06.2009 n° 07-44570). En cas de refus du salarié, l’employeur peut prononcer une autre sanction (Cass. soc. 16.06.1998 n° 95-45033), notamment un licenciement (Cass. soc. 19.02.2003 n° 00-46.188). Il doit pour cela convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable dans le délai maximal de 2 mois à compter du refus du salarié (Cass. soc. 28.04.2011 n°10-13979) et notifier le licenciement dans un délai d’un mois après ce dernier entretien (Cass. soc. 27-3-2007 n° 05-41.921). S’agissant des salariés protégés, ces principes s’appliquent pour toute mutation ou rétrogradation dans la mesure où même la modification des conditions de travail ne peut leur être imposée.
En l’absence de refus du salarié protégé, la sanction peut être mise en œuvre sans autorisation préalable de l’inspecteur du travail (Cass. soc. 23.06.1999 n°97-41121). Dans le cas contraire, il appartient à l’employeur d’engager la procédure de licenciement en demandant l’autorisation dudit inspecteur (Cass. soc. 03.03.1999 n°96-45306).
• Risques •
En cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié (C. trav. art. L1333-1).
Le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise (C. trav. art. L1333-2). Il peut également condamner l’employeur au versement de dommages et intérêts dont il estime souverainement le montant.